mardi 31 août 2010

Pour une vision intégrale du Focusing

Dans un souci de relier l’épanouissement personnel au développement durable, Ken Wilber propose une carte intégrant l’ensemble des systèmes et des modèles existants au niveau de la croissance humaine. Il nous offre les principaux ingrédients de sa compréhension du monde sous la forme d’éléments ou clés pouvant, par leur lecture, faciliter l’évolution humaine dans son intégralité.

Quel que soit notre point de départ, l’utilisation de la carte intégrale nous permet d’abord de vérifier que nous sommes bien en train de couvrir tout le terrain. Elle nous servira ensuite à communiquer avec d’autres disciplines ou champs de spécialisation.

C’est un peu ce que j’ai cherché à faire dans cet exercice et mon but est de vous proposer une première lecture du Focusing selon l’approche intégrale. Cette lecture pourra bien sûr être revue, corrigée et/ou améliorée par les intervenants en Focusing ayant acquis une compréhension de l’approche intégrale.

Mentionnons d’abord les quadrants qui constituent la base de la cartographie de Wilber. Les quadrants, que nous pouvons identifier dans le diagramme AQAL ci haut, représentent les quatre dimensions ou perspectives liant notre univers. Il est primordial de bien saisir que tout évènement dans le monde manifesté possède les trois dimensions qui ont présidées à la création des quatre quadrants soit : le «je», le «nous» et le «ça». Il est toujours possible (et souhaitable) de regarder tout aspect de l’expérience humaine à partir de ces trois points de vue. Le «je» est le domaine du subjectif, comment moi personnellement je vois et ressent les choses. Le «nous» constitue une vision ou un sens partagé avec d’autres. Le «ça» consiste à décrire l’objet, la situation ou l’évènement à partir de faits «objectifs» pouvant être nommés et répertoriés.

Les quatre quadrants sont obtenus en divisant le «ça» en ses éléments singuliers et pluriels. Ainsi toute figure qui représente les quatre quadrants indique le «je» (l’espace intérieur de la personne), le «ça» (ce qui est perçu et observable de l’extérieur de l’individu), le «nous» (l’espace intérieur collectif) et le «eux» (ce qui est perçu et observable à partir de l’espace extérieur du collectif).

Quel rapport tout cela a-t-il maintenant avec le Focusing et son enseignement? La carte de la vision intégrale peut nous être utile pour faire une lecture du Focusing dans chacun des cadrans et voir ainsi ou en est notre développement.

Quadrant 1: Le Focusing est une approche de travail intérieu (Je)
Quadrant 2: Le Focusing a été modélisé et son processus peut être observé de l'extérieur (Ça)
Quadrant 3: Le Focusing se conjugue au pluriel (Nous)
Quadrant 4: Les structures sociales peuvent intégrer le Focusing (Eux)

Les grands axes de développement du Focusing

Le Focusing est une approche de travail intérieur (Je)

Considérons d’abord que le Focusing est vécu à partir du «je». Personne ne niera qu’il s’agisse bien d’une approche de travail intérieur. Le Focusing donne une place importante à tout ce qui peut se percevoir en nous : émotions, pensées, sensations. Ce qui constitue toutefois la base ultime de notre perception globale des choses a été spécifiquement nommé par E.T. Gendlin comme étant le «felt sense», traduit en français par «ressenti corporel» ou «sens corporel».

On dit du Focusing qu’il s’agit d’une approche expérientielle car, lorsque nous l’enseignons, nous demandons aux gens d’en faire d’abord l’expérience en eux. Cet aspect est extrêmement important car nous croyons que cette manière d’être en relation avec l’intérieur de soi est la pièce manquante de plusieurs approches qui prônent le développement personnel et la communion entre les humains.

Nul ne contestera ici un ancrage très fort du Focusing dans le cadran individuel/ intérieur.

Le Focusing a été modélisé et son processus peut être observé de l’extérieur (Ça)

L'échelle d'experiencing
Un autre point important dans l’approche du Focusing et dans son enseignement est qu’il a une base scientifique. Le processus s’observe de l’extérieur (il y a un «ça»). Une échelle a été créée pour observer des personnes en situation de processus et voir où elles se situent dans leur capacité à accéder à l’espace intérieur et à y puiser des ressources et une direction de vie. Cet outil, nommé «échelle d’experiencing» a été utilisé dans plusieurs recherches de niveau universitaire. Les résultats tendent à démontrer que l’enseignement du Focusing augmente la capacité d’experiencing d’une personne, c'est-à-dire sa capacité à entrer plus profondément ou plus pleinement dans son espace intérieur pour en apprendre quelque chose (voir la recherche).


Le processus de Focusing amène un changement à l’intérieur de la personne. La manière dont ce changement se produit a été décrite par E.T. Gendlin dans son ouvrage de base : «Une théorie du changement de la personnalité». Le mouvement intérieur est généralement perçu comme un mouvement de guérison et/ou d’actualisation et il a également été possible d’en observer certaines manifestations physiologiques (ondes cérébrales, synchronisation des hémisphères du cerveau, rythme cardiaque).

En plus d’un instrument de mesure (experiencing), d’une théorie (changement de la personnalité) et de manifestations physiologiques observables, le Focusing offre un processus modélisé en six étapes afin de permettre son enseignement.

Lorsque le processus de Focusing est bien intégré, un deuxième niveau s’offre à l’individu qui souhaite accéder à la création et mettre lui-même au monde ce qu’il porte d’unique. Ce deuxième niveau, celui de la Pensée au Seuil de l’Émergence (PSE), est également modélisé sous forme d’étapes pouvant aller jusqu’à la création de théorie.

Le Focusing se conjugue au pluriel (Nous)

Nous sommes des êtres relationnels. C’est pourquoi le processus du Focusing, décrit au départ comme étant individuel et intérieur, a rapidement été conjugué au pluriel. Il a d’abord été intégré dans le contexte thérapeutique et se présente aujourd’hui de multiples autres façons.
Dans l’approche du Focusing Relationnel, nous plaçons à l’avant plan le partenariat, les groupes de ressourcement ainsi que la création de communautés d’apprenants. Au-delà de la formation des intervenants, ce programme a pour but de :
  • Développer une compréhension claire du Focusing en tant que modèle privilégié de présence à soi et à l’autre.
  • Développer et mettre en œuvre différentes structures participatives libres et ouvertes visant à promouvoir une pratique élargie du Focusing.
  • Dépasser la contrainte monétaire qui limite encore à ce jour l’organisation des processus de groupe.
  • Générer des modèles évolutifs favorisant la création de groupes et de structures intégrant la pratique du Focusing, celle de la Pensée au Seuil de l'Émergence (PSE) et des autres Processus de l’Attention Inter Humaine (PAIH).
L’organisation à but non lucratif Diffusion Focusing Québec, formée au Québec en 2006, est particulièrement ouverte à l’accueil de tous. Le texte de la page d’ouverture de notre site indique simplement que nous souhaitons rendre la pratique du Focusing et de l’écoute accessible à toutes les personnes de langue française intéressées par le développement de la personne humaine et par les processus de l’attention inter humaine. Une abondante documentation, dont plusieurs textes de E.T. Gendlin traduits en français, y est offerte.

Les structures sociales peuvent intégrer le Focusing (eux)

La partie la plus faible dans le développement du Focusing reste encore son intégration dans les structures sociales. Même si E.T. Gendlin avait prévu au départ une intégration à un vaste niveau dans toutes les sphères sociales, on peut dire que le rêve n’est pas encore réalisé. Actuellement, le Focusing est pratiqué en grande partie dans un cadre thérapeutique et son enseignement, dans les milieux universitaires, se fait presque exclusivement à l’intérieur des programmes de psychologie.

Le cadran inférieur droit, soit celui qui représente, dans le diagramme AQAL, les formes et les structures sociales, nous permet de voir et de questionner cet aspect de notre développement.

Considérons d’abord la présence de l’Institut de Focusing au niveau international. Les membres de l’Institut de Focusing, psychologues, enseignants, intervenants et coordonnateurs, sont répartis dans plusieurs pays à travers le monde. Une bonne partie de ces personnes, qualifiées pour enseigner et transmettre le Focusing, ont déjà fondé des organisations dans leurs pays respectifs (Voir : Diffusion Focusing Québec et Institut de Focusing d’Europe Francophone)..

Diffusion Focusing Québec
C’est à partir de ces organisations que le Focusing pourra essaimer, rayonner et rejoindre l’ensemble de ce que Gendlin et Wilber nomment le «village global». Quelques initiatives pointent déjà au niveau international : le Focusing intégré dans une organisation oeuvrant pour le développement durable en Équateur, l’enseignement du Focusing dans les villes, les villages et les communautés en Afghanistan, au Salvador, en Haïti…

Le prochain pas sera sans aucun doute celui d’une plus grande ouverture vers d’autres disciplines : gestion humaine, santé, éducation, communication, modèles organisationnels, recherche, etc. Nous savons que, dans toutes ces disciplines, les modèles intégrant le Focusing sont en cours d’élaboration.

Les grands axes de développement du Focusing

Deux grands axes de développement existent dans le monde du Focusing et ils ont été nommés par Gendlin lui-même.

L’axe du développement individuel comprend le Focusing et son prolongement naturel vers l’émergence d’une pensée novatrice : La Pensée au Seuil de l’Émergence (PSE). Le processus de la Pensée au Seuil de l’Émergence (PSE) fut introduit à l’Université de Chicago où Gendlin enseignait un cours multidisciplinaire invitant les étudiants à découvrir qu’en mettant au monde ce qu’ils «savaient» sans avoir encore les mots pour le dire, ils pouvaient contribuer à l’histoire de l’évolution. Cette pratique de la PSE, issue de la Philosophie de l’Implicite de Gendlin, conduit vers de nouveaux concepts en physique, en biologie et dans toutes les autres disciplines où elle est utilisée. L’axe du développement individuel proposé par Gendlin et qui inclus la pratique du Focusing et celle de la PSE, correspond à la partie supérieure du diagramme AQAL de Ken Wilber.

L’axe du développement collectif, correspondant à la partie inférieure du diagramme AQAL de Ken Wilber, comprend une pratique sociale du Focusing allant vers son intégration à l’ensemble des Processus de l’Attention Inter Humaine (PAIH). Gendlin, dans ses plus récents écrits élabore cet axe de développement et en trace les grandes lignes. Il propose des actions pouvant être entreprises par les intervenants et coordonnateurs de l’Institut de Focusing et nous incite à former de petits groupes afin d’oeuvrer ensemble à nos projets et de collaborer avec des groupes en provenance d’autres organisations sociales.